La Nuit se Traîne

Ce soir-là, Mady, étudiant le jour et serrurier la nuit, voit sa vie basculer quand il ouvre la mauvaise porte et devient accidentellement complice d’une affaire de grand banditisme. Au cœur d’une ville en pleine ébullition, Mady n’a qu’une nuit pour se tirer d’affaires et retrouver la trace de Claire, celle qui a trahi sa confiance. Le compte à rebours est lancé…

Mon avis

Un film vif et d’une intensité remarquable !

La bande-annonce m’avait immédiatement attrapée dans ses filets, mais j’étais loin de m’attendre à l’apprécier autant.

« Bien-sûr que tu as le choix. »

Une nuit, une nuit qui peut tout changer, un temps à la fois très court, mais pour les personnes concernées, qui semble très long, trop long, un titre qui prend alors tout son sens, une chanson que l’on va attendre dès les premières minutes et qui viendra incarner cette histoire, la seule note de douceur, dans cet univers brutal, mais terriblement haletant, délicieusement addictif. Un univers sur fond du mouvement Black Lives Matters, qui fait suite aux multiples violences policières, bien que le sujet ne soit pas central, il prend corps dans cette atmosphère bien particulière, celle d’une violence sans cesse aggravée, celle d’un racisme toujours plus présent et si c’est évidemment très ancré dans notre société actuelle, ce n’est pas véritablement le point d’orgue de ce récit, même si notre personnage principal est l’incarnation même de ce pourquoi ces militants se battent. Lui qui n’a rien demandé à personne, lui qui ne faisait que son travail et qui va se retrouver au cœur d’un traquenard monumental, qu’il n’a à aucun moment orchestré, mais dont il sera l’une des victimes, lui qui va se retrouver dans la pire des embrouilles, lui, le petit black innocent, mais poursuivi par sa couleur de peau, alors que les vrais trafiquants, les vrais truands, sont des blancs à qui l’on pourrait donner le bon Dieu sans confession. C’est un milieu très sombre, très difficile, très brutal, qui sera mis en lumière, une violence de la rue, celle dans laquelle on tombe gentiment, petit à petit, dans laquelle on coule toujours plus profondément, même si on veut s’en sortir, remonter à la surface, mais malheureusement, elle nous entraîne toujours plus loin. La réalisation de Michiel Blanchart est bluffante, pour un premier long métrage, le résultat est des plus percutant, tout est réussi, le cadrage, la mise en scène, le talent est incontestablement au rendez-vous et j’ai d’autant plus hâte de suivre de très près sa carrière future. Visuellement, c’est un petit bijou, qui possède un grain très particulier, des aspérités à l’image, qui apportent une identité forte, mais également, des scènes pour le moins marquantes, dont une course poursuite à vélo absolument extraordinaire, mais également des moments de violences percutantes par leur réalisme, par la brutalité d’un quotidien toujours plus incisif, qui font la une de nos journaux. En ce qui concerne le scénario, s’il n’y a rien de très complexe à comprendre, si le point de départ peut être assez simple, c’est dans son déroulement qu’il saura sortir des sentiers battus, pour nous offrir toute sa force, tout son intérêt, toute sa réussite. C’est une intrigue ultra prenante, rythmée de main de maître, sans aucun temps mort, qui nous est livrée, dans toute sa puissance, dans toute son intelligence, c’est parfaitement pensé, parfaitement ficelé, c’est aussi tragique, que bouleversant dans sa finalité et presque désespéré dans son message. Quant au casting, là aussi, il est admirable, Jonathan Feltre est d’une force incroyable, Jonas Bloquet est bouleversant dans ce rôle si ambivalent, Romain Duris est effrayant de froideur et j’ai beaucoup aimé le rôle de Natacha Krief.

En bref : Un film d’une réussite totale, un thriller incisif, une course contre la montre, une nuit où tout va basculer, une chronologie aussi courte, intense, qu’interminable pour ceux qui en sont les victimes, une nuit qui va bouleverser des vies entières, pour le pire, surtout pour le pire, parce que le tourbillon d’un quotidien fait de violences les ont entraînés trop loin, parce qu’il est impossible de faire demi-tour, parce que ce milieu les a fait couler bien trop profondément, entraînant tout dans leur sillage, même ceux qui sont totalement innocents et surtout ceux-là !

9/10